• 1951-52 - Impressions d'ados à Constantine=

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                                                                        L'Hôtel Terminus de Constantine.

                        Cette année-là, convoqué à un examen, j'ai choisi cet Hôtel  parce qu'il jouxtait la gare greffée sur la ligne de Philippeville.

                         Première sortie d'ado, première émancipation, première prise en main de mon destin sans l'influence des parents. L'évènement  fait date. Afin de réduire la note de frais, chambre et -repas, Van  Haegarden Jean-Pierre (+), mon camarade de classe,  partage la chambre. Ce à quoi nous n'avons pas pensé est l'horaire matinal des drezzins qui s'échauffent longuement tout en dégageant une odeur de gas oil mal consummé. Mélangé à l'air humide matinal, mes narines jouissent d'une drogue inattendue et gratuite qui envahit la chambre demeurée fenêtres ouvertes en ce  mois de juin qui annonce déjà la cannicule continentale. Je m'enivre comme d'un élixir irritant et excitant à la fois. Drôle de goût, direz-vous! Et pourtant, cela me fait le même effet qu'une cigarette blonde "Craven" qui largue sa fumée malaxée à l'air moite. Ivresse, drogue, qu'importe! Du moment que l'on tolère ce genre de consommation!... Cette impression olfactive fera partie de mes acquis pour le restant de mes jours. Aujourd'hui, ce parfum proscrit appartient au chapitre de la pollution.

                          Ce à quoi nous n'avons pas pensé encore : le vrombissement matinal des moteurs diesels. Ils brûlent le carburant sans compter, ici on ne compte pas. Peu de sommeil dû à la chaleur, peu de sommeil dû à la tension de tout examen que l'on passe, peu de sommeil par ce bruit devenu lassant et insupportable, me voilà frais et dispos pour répondre aux professeurs tatillons. Certains le seront trop, d'autres pas assez. Qu'importe l'expérience de la nouveauté dans sa pleinitude suffit à me doper et accepter mon sort. Impressions de liberté.

     

               

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                                                                       La passerelle pour piétons et la Médersa.

                               Toilette, petit déjeuner copieux servi par un Biskri à la pigmentation très noire digne d'un saharien, nous voilà Jean Pierre et moi-même frais et dispos pour rejoindre à pied le Koudiat, quartier où est implanté le lycée d'examens.  Pour rejoindre à pied le lieu de la convocation, il nous faut emprunter la passerelle pour piéton. Quel moment inoubliable! Inoubliable car arrivé à mi-chemin, Jean-Pierre me dit intentionnellement et à brulepourpoint : "Regarde en bas!..." Je m'exécute. La crevasse est impressionnante. Et aussitôt d'enchaîner : " Dis-moi vite ton âge...Ton nom?" J'en suis incapable tant l'émotion, le vertige et non l'agoraphobie  me terrassent, ce gouffre veut me happer. Il  fait 192 m de profondeur. L'instant qui suit la question devient vide, c'est le néant , mes réactions sont sans effet. Les oscillations provoquées par l'ascenseur de la tour à l'extrémité de la passerelle accentuent les sensations. (Cette expérience ne sera que plus utiles. Tous les élèves que je préparerai à des examens et concours, ont bénéficié de cette théorie : la "trouille" neutralise les facultés et rend le candidat peu performant. Mon objectif sera de les y préparer). Sachez que l'on s'accommode de tout. Au deuxième passage la maîtrise fera son travail. Il en est ainsi pour les usagers qui ne font plus attention.


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                                                                LE LYCEE LAVERAN, AU KOUDIAT.

                                Une fois le centre ville traversé - toujours dans une égale fébrilité puisque Constantine, cité si fractionnée, par son  relief est un noeud commercial actif- me voici sur le plateau du Koudiat. Le Lycée Laveran (1) est vite repéré par sa taille imposante. Imposante aussi et écrasante pour le gringalet que je suis,  je préfère la petite unité d'établissement à la grande, je réponds timidement à l'appel. Mon nom résonne bizarrement, ici, je l'entends autrement .             

                              Déjà, il fait une chaleur torride dès les premières heures,  elle sera très éprouvante l'après-midi, je m'accommode plus facilement de  la brise marine que sous cette chape, c'est donc de mauvaise augure pour tous. Je pressens que les humeurs des profs ne seront  favorables ni à des échanges, ni à des concessions. Ce sera le cas avec le professeur d'Histoire, Algérien d'origine, qui s'est taillé une réputation auprès de ses élèves qui le redoutent.  Je le saurai en sortant.

                             Les autres matières ont dû paraître banales. Je n'en ai aucun souvenir. Par contre, l'option Musique va me gratifier et me regonfler pour le reste des disciplines. Tandis que je viens d'interpréter une Sonate de Mozart, comme je suis le dernier à passer, le professeur quitte la salle. Très audacieux, je reste près du piano, excellent compagnon dans les coups durs. Je m'assieds devant le clavier et avec fougue je lance les premiers accords sonnants et  ronflants du Concerto de Varsovie. Le son triomphal gagne l'immense couloir. Je pensais que l'option musique à un examen d'enseignement général n'exigeait pas un niveau supérieur. Voilà, la prof revenue sur ses pas. J'attends d'elle une réprimande. Au contraire, elle me gratifie d'une note réhaussée. Et de terminer :"Pourquoi n'avoir pas choisi cette oeuvre?" Je demeure sidéré. A vrai dire, la durée du concerto n'aurait pas cadré avec ce genre d'épreuve.    "Souvenirs d'Ados". Gérard

    (1)- Une reconnaissance particulière à Laveran pour ses travaux sur le paludisme. Combien d'hommes, Européens et Algériens confondus, lui doivent la vie.


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