• 1936-1962 Longue période faite de souvenirs

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                      C'est ici que se sont fixés les souvenirs les plus marquants depuis ma première enfance à l'âge adulte.Souvenirs simples mais riches en couleurs. Ne sont-ils pas inoubliables? Le tout est de sonder le passé. Le reste suivra. Plus on creuse, plus on s'étonne des réminiscences soudaines. C'est ici aussi que je découvris l'effet d'optique des distances. "Imperfection des sens". Gamin, la distance entre ma villa et le djebel Skikda paraissait très lointaine. Rectification une fois atteint l'âge d'adulte.

    1°)-  Trace de vignoble.Au tout premier plan, un terrain en ondulations. Elles témoignent de la présence d'un vignoble disparu ou piétiné, donc récemment abandonné. Le propriétaire Monsieur Di Meglio aura maille à partir pour défendre sa terre tandis que l'exode commence à envahir sa propriété. Les dernières images que je garde de lui lorsque j'étais encore bambin sont celles d'un couple désespéré, soumis à l'impuissance pour lutter contre i'irréversible : l'arrivée massive d'une population rurale attirée par la ville. Aucune structure pour l'intégrer dans la vie citadine. Et ce dès 1944. Auparavant, les Portes des Aurès, de Stora, de Constantine faisaient de ce viticulteur un des rares privilégiés au titre de propriétaire Intra-Muros. Ses récoltes étaient ainsi protégées. Ce n'était pas le cas des Extra-Muros, comme mes grands-parents soumis à des agressions nocturnes permanentes. Son domicile, déjà présenté (v. plus loin) se situe à g. la première avec toit rouge.

    2°)- Terrain de jeux. Que de bons moments!  Terrain tout en longueur. Trop étroit pour être homologué, on se servait de la pente pour feinter l'adversaire, la balle revenait d'elle-même dans l'aire de jeu. Copie du "Jeu de Paume", Plus adaptées à une partie de pétanque qu'au ballon rond, ces rencontres faisaient la joie des jeunes désoeuvrés. Par la suite, aucun architecte pensera à sauvegarder un espace ludique, seul capable d'éradiquer l'agressivité. De mon balcon (v. photo jointe) dominant la scène, je pouvais relever les différentes phases de jeux. Les confrontations souvent passionnées traînaient en longueur.  Pas de chrono. Pour la mi-temps, sans répit, sans contestation,  on décidait de procéder au changement de camp . D'aucuns profitaient d'un instant d'inattention pour rétrécir ou élargir les camps  selon l'appartenance: il suffisait de pousser le vêtement de marquage au sol. Sans maillot pour distinguer les équipes, Il me fallait un certain temps pour les identifier. Pas de coup franc. Véritable champ de bataille. Seul le penalty servait de sanction. La présence d'un arbitre paraissait ici inutile. On appliquait les règles d'une façon fantaisiste. Peu importe,  on jouait, on se défoulait. Le plus souvent, la balle tombait dans mon jardin. Il fallait me dépêcher de la récupérer car de mon côté l'engouement était communicatif, il n'était pas question de perdre une seconde."Gira, l'Ballou" (trad. Gérard! le ballon). D'un geste, on se comprenait. Parfois, pour aller plus vite, je permettais à l'un d'eux de passer la barrière. Parfois, il en prenait l'initiative sans mon avis. Je savais qu'il se limitait à cette récupération hâtive.

                 Quelques parties mémorables. La nature du terrain était d'argile damé dur comme du ciment, pas même la pluie n'arrvait à le ramollir, le piétinement l'avait encore plus durci, ce qui le rendait dangereux. Un jour, un gamin d'une dizaine d'années tombe mal sur ses mains. Confondu avec les joueurs, il crie sans que personne ne l'entende, il crie encore   : "Ya khouyia laâ dhâmm !" (trad Oh mon frère, l'os! ). Qui pouvait le croire, le jeu se poursuivait sans que personne n'y prête attention. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes que ses copains réagiront. Pauvre bougre, victime d'une fracture composée, désolidarisé du poignet,  le radius était sorti du bras faisant avec le cubitus un angle de 40°. Affreux spectacle. En effet, je vois toujours cet os blanc sorti de son enveloppe charnelle. Et le gars de crier de frayeur et de douleur tout en tirant pour essayer de le remettre à sa place. En vain...Le lendemain, mordu de foot, membre plâtré, il suivait les rencontres en spectateur.

                                                         Une autre partie plus amusante m'a marqué. Toujours du balcon, j'assistais à un litige . Ce jour-là, était présent mon frère Aimé. Faute de camp réglementaire -ici on travaille sans filet- la limite se faisant avec un vêtement, il est difficile de savoir si la balle "est entrée". Dans une partie de tennis, les arbitres s'emploient à observer de près le dernier impact pour  admettre le point ou crier "Out". Ce jour-là, l'impact était litigieux, très litigieux. Comment le déterminer avec un sol si dur? Pourtant, pour convaincre son adversaire, l'un d'entre eux lança cette phrase qui a fait rire tant de monde : "Ha oudek la cicatrice'!" Nul n'est besoin de traduire!!!!

                 3°)-La Guerre 1939-45. Dans la zone d'ombre du terrain, à g. en 1940, a été installée une "Saucisse" , surnom donné à cet engin anti aérien. Sa vocation est de piéger les aviateurs Allemands dont l'adresse et la témérité ont fait notre admiration. Au sol, un moteur thermique tient lieu de force antagoniste. Il permet de redescendre ce genre de "zappelin"tenu en laisse verticalement par un cable électique à haute tension. Un frôlement d'aile du chasseur ennemi aurait suffi à l'envoyer au tapis.  Ce piège défensif avait été judicieusement placé à cet endroit. Les pilotes en piquant empruntaient ce couloir aérien. J'en sais quelque chose, je les entends encore descendre sur ma tête. La première maison à dr. façade très blanche, donnant Rue Mellet, est une reconstruction après avoir reçu une bombe qui fit de nombreux dégâts, sans épargner notre villa dont  toutes les issues volèrent en éclats. A une seconde près, on y passait. tous : les familles Coppola, Di Costanzo et  la grand-mère Balestrieri Philomène obstinée à vouloir rester à l'étage plutôt que le rez-de-chaussée. Sur son lit, elle recevra des débris de vitres à la tête. Ce ballon ovale, de dimension telle qu'il fallait un poids lourd pour le transporter est gonflé à l'hydrogène. Souvent, les enfants de la Rue des Aurès, au passage du véhicule perçaient la fine membrane. Arrivé sur les lieux, il fallait repartir de zéro. La fréquence de cette fuite de gaz avait rendu ce fait banal .Par contre, l'anecdote que j'ai vécue rappelle un moment de frayeur. Mon cousin Balestrieri René (v. lien, généalogie) s'est amusé à sauter les barbelés de protection pour mettre en route le moteur. Hermétiquement fermé dans son caisson métallique, pardi dedans on touche à la haute tension, seule la manivelle de démarrage  est extérieure au monobloc.On peut procéder à l'allumage mais impossible d'arrêter le mécanisme. Un seul recours : fuir l'endroit pour éviter toute représaille. Ce sera chose faite pour nous trois, René, Aimé et moi-même. On ne saura jamais comment s'est terminée la descente...aux enfers!!!. "L'imprudence est pendue au cou de la jeunesse"...


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                           La maison blanche à dr au premier plan correspond à l'impact de la bombe allemande. Rebâtie après la guerre, elle  est une résurgence de la catastrophe de 1943. La distance avec notre villa est proche, puisque le cliché a été tiré par  ma soeur  Marie Di Costanzo depuis le balcon. L'effet de souffle nous a tous terrassés. Horrible moment!

                       CONCLUSION.-  En 1959, avec "Bel Air" et ses 96 logements, ce sera l'engloutissement bétonné de tous ces souvenirs. La population a montré son empressement pour être logée décemment, cette aire de jeux sera sacrifiée : avec mille regrets je verrai disparaître ce lopin de terre qui fit la joie de tant de monde. En même temps, la magnifique vue à 180° sur l'ensemble du paysage aura rétréci. Adieu la vue sur mer!

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            Ne vous fiez pas à cet aspect de villa cernée par des planches dégradantes. Celles-ci ont été installées pour fermer le chantier du complexe "Bel Air". L'habitation datant des années 20 comprenait un jardin de 6500 m2- Fichtre!. Toutes les essences d'arbres de Méditerranée embaumaient l'alentour : jasmin, bougainvillier, rosier, strélitzia, agrumes... Sans oublier un terrain de tennis privé. C'est donc de ce balcon que les parties de football  m'ont développé à la première heure le goût pour ce sport. C'est aussi à partir de ce lieu que la JSMP (Jeunesse Sportive Musulmane Philippevilloise, la JSMK actuellement) pouvait trouver sa pépinière de joueurs.


           


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