• 1943- Balestrieri Roch- Souvenirs d'enfance=

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    Roch Balestrieri (1892-1882), oncle de ma maman, frère de Jean (de Constantine pour ne pas confondre avec Jean de Philippeville) et d'Archange Fiorentino. Celle-ci gagna le Gros Lot de la Loterie grâce à la chance de son fils Albert.(v. plus loin )


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              Marie Balestrieri
    née Di Costanzo, épouse de Roch


    Quoi de plus banal? Une façade de maison rurale? Une treille de raisin collée au bâtiment? Un cliché médiocre? Certes, il l'est :  je l'ai extrait d'un film 8mmm. Les deux silhouettes sont celles de Di Costanzo Robert (fils de Thérèse) et Balestrieri Ange dit "Lolo" (fils de Marie) donc deux cousins germains par leur mère. En 1979, le désir de retourner aux sources a été très fort. Instant d'émotion pour Ange qui a grandi ici. Cette propriété la dernière de l'Oued Louach avant la forêt a appartenu au père de Roch Balestrieri.(1) Ce dernier en a hérité. Son frère Jean  et sa soeur Archange (devenue Fiorentino) iront s'installer à Constantine comme mandataires en Agroalimentaire. Roch a épousé Marie Di Costanzo soeur de mon père. Ce couple me parrainera. Voilà donc pour la petite histoire.

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                                   ( vue partielle de la propriété de l'Oued Louach de Roch investie depuis 1962 par les Arabes)

    Nous sommes en novembre 1943. L'aviation Allemande pilonne le port de Philippeville plus que jamais. Notre quartier Rue des Aurès se trouve de plus en plus exposé. Il est temps de le déserter. Ma famille se réfugie donc sur la propriété vinicole dont il est question sur le cliché. Sur les lieux s'est concentrée une véritable colonie. Se sont repliées les familles Simonneau Lucien (boulanger), les Di Costanzo Philippe (mon père avec ses 4 enfants), Djennar, D'Ambra le gérant...l'espace est grand pour accueillir toute cette smala. L'ambiance du dimanche dans la grande salle ressemble à celle d'une auberge : des tables sont mises à la disposition des joueurs de cartes. Les figurines ne sont pas celles de la belote, elles sont Espagnoles. On entend crier dans cette grande salle commune ;" Ronda, tringla, schcarte, stou Bastoun..." . La " Partie de Cartes" de Pagnol n'est qu'une parodie comparée à ces rencontres passionnées. Tout l'éventail des signes proscrits sont adoptés par les joueurs... Les appels du pied, les clins d'oeil ...font courir le risque de confrontations verbales parfois violentes..On le sait, mais on continue...Ces passions laissent des séquelles vindicatives. "Balancer" les cartes au visage des autres n'est pas l'apanage de nos héros Marseillais. Souvent, les parties prennent  mauvaises tournures voire blessures. Mais le week-end suivant tous les griefs sont oubliés...
                    Lucien Simonneau, à l'aide d'un laissez-passer, parti le matin tôt dans la nuit pour assurer la fournée revenait dans la journée avec quelques baguettes sous le bras, trognons coupés pour  les interdire à la commercialisation. Les cartes de ravitaillement lui imposaient une vigilance pour être en règle auprès des nombreux contrôleurs qu'il rencontrait entre sa boulangerie près du marché de détail et l'oued Louach, situé à plus de 3 km. En  période de restriction, il est bon de vivre à la campagne. Papa avait pu obtenir un sac de farine de maïs comme ressources pour faire face à un imprévisible évènement.  
                    Les fermes de l'Oued Louach, si proches de la ville n'avaient pas d'électricité. Aussi, chaque soir, une lampe à carbure accrochée au mur servait à éviter la totale obscurité. Cette odeur acre caractéristique  emplissait le petit appartement. Les bougies, les lampes à pétrole, c'était pour les grandes occasions. Nous subissions le temps. Les soirées d'hiver paraissaient plus longues.
                    Puis, tout à coup : "Alerte". Bien rôdé, notre repli vers la cave (flèche verte sur la photo) se faisait sans précipitation. Nous connaissions le délai entre la sirène et le piqué des chasseurs Allemands. Un soir, le délai fut si court que Monsieur d'Ambra se laissa surprendre par un magnifique clair de lune, l'ennemi a frôlé la maison, il n'eut qu'un réflexe : celui de sauter le mur haut d'un étage. Nous voilà donc tous blottis les uns contre les autres assis sur un banc. Savez-vous où? Sous les cuves à vin. Hors saison, cet endroit ne pouvait être mieux choisi : la cave était enfouie aux trois-quarts sous terre, seul l'immense portail que vous voyez sur la photo servait d'issue. La protection face aux éventuels projectiles était rassurante. Mais imaginez qu'une bombe vînt à tomber en période de vendanges. Nous serions tous morts ivres,  baignant en extase éthylique. En état d'ébriété, nous n'aurions vu que... le Nirvana....
                 Des avions de reconnaissance volaient bas pour ne pas se faire repérer par les radars. Ce jour-là,  l'un d'entre eux est venu photographier l'immense bâtisse suspecte qui ressemblait plus à une caserne qu'à une villa de particuliers. Le soir même, nous eûmes droit à un chapelet de bombes cernant la maison. Une seule n'explosa pas. Je vois encore ce trou oblique sans fond,, de faible diamètre s'enfoncer, au point que l'engin explosif était difficile à déceler. Rude tâche pour les spécialistes dépéchés sur les lieux pour le désamorcer.
                A chaque alerte, le même rituel. A travers les boums des bombes, des D.C.A. les pétarades, les crépitements des mitrailleuses, ma maman très dévôte, statue de la vierge à la main signait l'espace de multiples croix. En bonne Napolitaine habituée aux verbes choquants, elle passait sans transition d'un registre à l'autre. Lorsqu'une bombe proche  éclatait,  elle lançait en serrant les dents et en défiant Lucifer :" E corn'ou diabl'" et " E guidé mourte". Lorsque le court silence intermittent régnait, plus résignée, elle s'adressait avec ferveur à Notre-Dame de Lourdes. Parfois les invocations opposées se rapprochaient tant que je les confondais. Dans ce concert cacophonique pour ne pas dire bor.....lique, désarmée,  l'assistance,  loquace pour vaincre la torpeur, était frappée de mutisme lorsque les choses devenaient sérieuses. Seule la voix de maman résonnait avec plus de force.  On sait qu'une bombe qui vous est destinée ne siffle pas, elle vous anéantit sans vous avertir. Suspens! Tension extrême!
              L'alerte est finie. Aussitôt, nous ressortons heureux d'être vivants. A la période de tumescence succède la période de détumescence. L'hilarité nous gagne. Rires nerveux. Rires heureux. Ca y est le soleil commence à poindre à l'horizon. Le jour se lève. La nuit a été courte, très courte. Il faut penser à rester lucide au cours de la journée....Mais voilà une période où l'école va nous manquer. Souvenir d'enfance.            .
                                  (photo tirée du même film en 1979)
    A droite de l'appartement principal occupé par Roch et Marie, on pouvait  bénéficier d'un  plus petit et plus modeste (flèche). Espace suffisant pour mettre à l'abri ma famille
    (1)- Roch Balestrieri (1992-1882) ci-dessous. Il s'est marié en 1920 (14 août) à Philippeville avec Marie Di Costanzo (1900-1956). Tous deux furent mes parrain et marraine. C'est dire combien mes parents estimaient le couple. Evidemment, Roch étant de la famille de maman et Marie de celle de papa, le lien familial se trouva renforcé. Dès 1927, date d'achat du premier véhicule de mes parents, on ne voyait jamais l'une des automobiles sans l'autre. Elles se suivaient partout (sic maman).
    Portrait.- Taille: pas très grand. Je persiste à croire que pour la longévité c'est une garantie. Voix voilée. Cigarette consumée collée aux lèvres. Démarche, gestes nerveux. Séducteur élégant comme beaucoup de Balestrieri. S'intégrant aussi bien à la ville que dans les champs. Le dimanche, "il faisait les arcades" avec un autre agriculteur de Damrémont, son complice, non moins élégant, ganté de blanc, messieurs!. Il s'agissait de Monsieur Fernandez, père de Jean-Pierre, mon copain de classe.  Lorsque Roch menait sa "conduite intérieure", moi passager arrière de 8 ans, je l'observais : sur le volant, il écartait énergiquement et sans cesse ses dix doigts,  geste de nervosité que je n'arrivais pas à décrypter. Tous les soucis devaient défiler dans sa tête, à mon âge, je  le comprends mieux aujourd'hui.


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