• Photobucket(cliquez)

                                                                        L'Hôtel Terminus de Constantine.

                        Cette année-là, convoqué à un examen, j'ai choisi cet Hôtel  parce qu'il jouxtait la gare greffée sur la ligne de Philippeville.

                         Première sortie d'ado, première émancipation, première prise en main de mon destin sans l'influence des parents. L'évènement  fait date. Afin de réduire la note de frais, chambre et -repas, Van  Haegarden Jean-Pierre (+), mon camarade de classe,  partage la chambre. Ce à quoi nous n'avons pas pensé est l'horaire matinal des drezzins qui s'échauffent longuement tout en dégageant une odeur de gas oil mal consummé. Mélangé à l'air humide matinal, mes narines jouissent d'une drogue inattendue et gratuite qui envahit la chambre demeurée fenêtres ouvertes en ce  mois de juin qui annonce déjà la cannicule continentale. Je m'enivre comme d'un élixir irritant et excitant à la fois. Drôle de goût, direz-vous! Et pourtant, cela me fait le même effet qu'une cigarette blonde "Craven" qui largue sa fumée malaxée à l'air moite. Ivresse, drogue, qu'importe! Du moment que l'on tolère ce genre de consommation!... Cette impression olfactive fera partie de mes acquis pour le restant de mes jours. Aujourd'hui, ce parfum proscrit appartient au chapitre de la pollution.

                          Ce à quoi nous n'avons pas pensé encore : le vrombissement matinal des moteurs diesels. Ils brûlent le carburant sans compter, ici on ne compte pas. Peu de sommeil dû à la chaleur, peu de sommeil dû à la tension de tout examen que l'on passe, peu de sommeil par ce bruit devenu lassant et insupportable, me voilà frais et dispos pour répondre aux professeurs tatillons. Certains le seront trop, d'autres pas assez. Qu'importe l'expérience de la nouveauté dans sa pleinitude suffit à me doper et accepter mon sort. Impressions de liberté.

     

               

    Photobucket(cliquez)

                                                                       La passerelle pour piétons et la Médersa.

                               Toilette, petit déjeuner copieux servi par un Biskri à la pigmentation très noire digne d'un saharien, nous voilà Jean Pierre et moi-même frais et dispos pour rejoindre à pied le Koudiat, quartier où est implanté le lycée d'examens.  Pour rejoindre à pied le lieu de la convocation, il nous faut emprunter la passerelle pour piéton. Quel moment inoubliable! Inoubliable car arrivé à mi-chemin, Jean-Pierre me dit intentionnellement et à brulepourpoint : "Regarde en bas!..." Je m'exécute. La crevasse est impressionnante. Et aussitôt d'enchaîner : " Dis-moi vite ton âge...Ton nom?" J'en suis incapable tant l'émotion, le vertige et non l'agoraphobie  me terrassent, ce gouffre veut me happer. Il  fait 192 m de profondeur. L'instant qui suit la question devient vide, c'est le néant , mes réactions sont sans effet. Les oscillations provoquées par l'ascenseur de la tour à l'extrémité de la passerelle accentuent les sensations. (Cette expérience ne sera que plus utiles. Tous les élèves que je préparerai à des examens et concours, ont bénéficié de cette théorie : la "trouille" neutralise les facultés et rend le candidat peu performant. Mon objectif sera de les y préparer). Sachez que l'on s'accommode de tout. Au deuxième passage la maîtrise fera son travail. Il en est ainsi pour les usagers qui ne font plus attention.


    Photobucket(cliquez)

                                                                LE LYCEE LAVERAN, AU KOUDIAT.

                                Une fois le centre ville traversé - toujours dans une égale fébrilité puisque Constantine, cité si fractionnée, par son  relief est un noeud commercial actif- me voici sur le plateau du Koudiat. Le Lycée Laveran (1) est vite repéré par sa taille imposante. Imposante aussi et écrasante pour le gringalet que je suis,  je préfère la petite unité d'établissement à la grande, je réponds timidement à l'appel. Mon nom résonne bizarrement, ici, je l'entends autrement .             

                              Déjà, il fait une chaleur torride dès les premières heures,  elle sera très éprouvante l'après-midi, je m'accommode plus facilement de  la brise marine que sous cette chape, c'est donc de mauvaise augure pour tous. Je pressens que les humeurs des profs ne seront  favorables ni à des échanges, ni à des concessions. Ce sera le cas avec le professeur d'Histoire, Algérien d'origine, qui s'est taillé une réputation auprès de ses élèves qui le redoutent.  Je le saurai en sortant.

                             Les autres matières ont dû paraître banales. Je n'en ai aucun souvenir. Par contre, l'option Musique va me gratifier et me regonfler pour le reste des disciplines. Tandis que je viens d'interpréter une Sonate de Mozart, comme je suis le dernier à passer, le professeur quitte la salle. Très audacieux, je reste près du piano, excellent compagnon dans les coups durs. Je m'assieds devant le clavier et avec fougue je lance les premiers accords sonnants et  ronflants du Concerto de Varsovie. Le son triomphal gagne l'immense couloir. Je pensais que l'option musique à un examen d'enseignement général n'exigeait pas un niveau supérieur. Voilà, la prof revenue sur ses pas. J'attends d'elle une réprimande. Au contraire, elle me gratifie d'une note réhaussée. Et de terminer :"Pourquoi n'avoir pas choisi cette oeuvre?" Je demeure sidéré. A vrai dire, la durée du concerto n'aurait pas cadré avec ce genre d'épreuve.    "Souvenirs d'Ados". Gérard

    (1)- Une reconnaissance particulière à Laveran pour ses travaux sur le paludisme. Combien d'hommes, Européens et Algériens confondus, lui doivent la vie.


    votre commentaire
  • Photobucket(cliquez)

                          Côté entrée et accueil. La route Philippeville El-Halia-Fil Fila passe devant.

    Photobucket(cliquez)

    Observation du cliché : au-delà de la route, on peut découvrir des rangs cultivés. Il s'agit du potager qui fournit les légumes frais que le client appréciera dans le menu. Marie, issue de la terre par ses parents, ne devait pas manquer d'entretenir ce lopin de terre où mélange de terre, d'humus et de sable devait faire des miracles de la culture.

                               Le ressac lèche le pied de "Casino Beau Rivage", à dr. avec sa tour, la piscine municipale. La proximité de l'eau ne pouvait être aussi satisfaisante d'autant que l'édifice devait trouver ses fondations sur du sable. Encore une compétence digne de maçons Italiens capables de faire face à cette difficulté.

                              Face au  'Château Vert " son concurrent, "Beau Rivage"  rivalisait par sa situation privilégiée  "Pieds dans l'eau". Jeanne d'Arc, - lieu-dit-  sa piscine et le Camp Péhau tout près- se confondait avec Aurran,  propriétaire de ce magnifique complexe. Au balcon, on avait l'impression de naviguer sur les flots. La baie de Stora est reconnue par les navigateurs pour sa vocation d'abri, la mer semble mourir au pied du "Château Vert", Ici, les vagues venues droit du large ne se heurtent à aucun obstacle, les rouleaux arrivent directement  : au contact de cette grisante brise marine l'effet ne pouvait qu'aiguiser l'appétit des convives.

    Photobucket(cliquez)

    (Aurran Joseph 1884-1960)

    1925- Monsieur Aurran lors du mariage de Thérèse,  jeune soeur de Philippe mon père, devient donc par voie de conséquence, le beau-frère de la mariée. D'origine Marseillaise, Joseph Aurran, né le 2 octobre 1884 épousa une fille Maria Di Costanzo ( 1891-1961). Excellent homme d'affaires, il a laissé, en sus, ses initiales incrustées sur le grand bâtiment du cinéma Empire, sis Rue Gambetta.

     

     

     

     

     

    Photobucket(cliquez)

    L' enseigne du cinéma Empire en 2005- sont restées incrustées les initiales d'Arran

    Photobucket(cliquez)

     Le couple Aurran, au milieu une employée.

                    Le voici derrière le comptoir avec son épouse née Di Costanzo. Un banquet  ou une noce de classe se déroulait à "Beau Rivage". Une telle situation territoriale, aujourd'hui n'a pas de prix. Mais, cette implantation novatrice a demandé de faire preuve de beaucoup d'audace. La route Philippeville-Jeanne d'Arc n'existait pas. Elle s'ouvrira grâce à l'impulsion d'Aurran qui jusque là devait pouvoir livrer les denrées de la restauration. Plus tard donc, le chemin sera carrossable puis bitumé. La brèche est ouverte. Des villas vont se construire au bord de la route.

    Photobucket(cliquez)

                      Un échantillon de résidences secondaires qui jalonnaient la Route de Jeanne d'Arc montre combien le site était apprécié des Philippevillois. Stora trop enclavé entre le relief ne pouvait s'ouvrir autant. Une fois le pont du Saf-Saf franchi, l'étalement de tous les styles de maisons agrémentait cette route toujours difficile à entretenir en raison du sol sablonneux.

                           

    Photobucket(cliquez)

                    Un cliché indiquant la principale salle intérieure utilisée contre les intempéries. Les propriétaires à gauche avec leur fille Gisèle (1923-...) encore gamine. Le nombre d'imployés figurant sur le cliché sans oublier ceux qui sont devant le piano dans la cuisine,les employées de maison:  tout ce petit monde donne une idée de la taille de ce fond de commerce, perle Philippevilloise.


    votre commentaire
  • Photobucket'cliquez sur cliché tiré du film d'Hemmer 2005)

    Photobucket(cliquez sur la tombe familiale 1980, cliché avec Alain Di Costanzo)

    Photobucket(cliquez sur la même tombe en 2009, cliché de Jean-Philippe Balestrieri

     

                        Il s'en est fallu de peu pour que j'omette de rappeler que ce jour faste, en Algérie, nous le marquions par des visites sur nos tombes. Erreur de date, direz-vous. En effet, la Toussaint n'arrivait pas à se démarquer du jour des Trépassés moins solennel mais plus intimiste car il concerne chacune des familles. Cette confusion est due au fait que les familles bénéficiant d'un jour de congé pour l'un et non pour l'autre, ont fini par faire cet amalgame.

     

                      Les temps ont changé. Depuis, l'incinération a l'air de s'imposer sur l'inhumation. Depuis, le passage d'un convoi funèbre parfois annoncé par la presse laisse tout le monde indifférent, dans l'agglomération, on s'ignore, on se bouscule, on se hâte vers je ne sais quoi de primordial...Après tout, dans le caisson entouré de fleurs, le personnage anonyme me permet de déroger au respect que les peuplades dites primitives ne manquent pas de perpétuer. Depuis, l'intérêt vers ces disparus a pris un coup dans l'aile. Heureusement, le commerce des chrysanthèmes de plus en plus prospère, sauvegarde quelque peu la tradition par un rappel rituel et annuel. Quelquefois, sur les bords de route, un bouquet accroché à un platane rappelle qu'ici Untel au volant de son véhicule a perdu la vie. Sans avoir le temps de m'incliner, mon éducation m'impose une attention particulière pour cet inconnu, je pense au chagrin de son entourage. Au volant, cette solidarité jaillit de moi comme un éclair. Soyez compréhensifs, un jour ce sera  votre tour. On ne doit pas l'oublier. Faute de courage, plutôt que d'y penser, on préfère se prétendre immortel. Idée fugitive, absurde.

                        Selon Gladstone :" On juge le niveau d'une Civilisation, à la manière d'honorer ses morts". A cogiter.


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires